|
Cet article est paru dans le numéro de Septembre 2004 (no 14) du magazine Couleurs Bois. Il est le deuxième dans la série présentant les outils de creusage. Le premier traitait du Termite.
Les trois frères
|
Après le Termite, très adapté à des formes ouvertes en bois de bout, j’ai choisi cette fois-ci une autre famille dans la panoplie des outils de creusage. Les outils Kelton, fabriqués en Nouvelle Zélande, sont à ranger dans la famille des racloirs. Ils sont simples d’utilisation, et sont plutôt destinés à des formes fermées.
|
|
Présentation
|
Ils permettent de creuser très efficacement en laissant un bon état de surface, en bois de bout ou de travers (dans ce dernier cas il faut choisir un bois au fil assez serré pour ne pas avoir d’arrachements dus au raclage). Ils sont livrés par ensembles de trois outils (droit, semi-coudé, coudé), dont les formes complémentaires sont très adaptées au creusage des pièces à col fermé : la tête de coupe n’est pas plus grosse que le diamètre du corps de l’outil, ce qui permet les plus petites ouvertures (si vous voulez rivaliser avec David Ellsworth, le roi de ce type de pièce).
|
Il existe quatre ensembles de longueurs et de diamètres différents sur le marché :
- Miniature : 22 cm x 5/16 pouces (8 mm)
- Petit : 23 cm x 1/2” (13 mm)
- Moyen : 38 cm x 5/8” (16 mm)
- Grand : 50 cm x 3/4” (19 mm)
Le petit permet d’atteindre environ 15 cm de profondeur sans vibration. Ces outils sont livrés sans manche : Kelton vend plusieurs manches métalliques, qui possèdent chacun un alésage aux deux extrémités : 8 et 9,5 mm, 13 et 16, ou 16 et 19. Un seul manche suffit, l’échange d’un outil à l’autre est très rapide. Mais vous pouvez bien sûr tourner un manche pour chaque outil, en faisant attention aux perçages en cotes impériales.
|
|
La partie coupante est en alliage rapporté.
On peut se servir de la pointe et des deux bords pour le creusage.
|
Le gauche servira en outre pour les côtés et la finition. Le droit permet, en coupant de gauche à droite, d’éliminer ce petit cône qui gêne toujours au centre d’une pièce.
|
Affûtage
Il se fait à la pierre diamantée ; la meule est à proscrire, pour ne pas user l’alliage prématurément. Il ne faut affûter que le biseau, inutile de toucher à la partie supérieure, sauf pour éliminer un éventuel morfil. L’outil est plus efficace si on relève le fil comme pour un racloir classique, mais ça n’est pas indispensable.
Tournage d'un vase à col fermé
J’ai choisi un beau morceau de cade. ça embaume l’atelier, et on peut se servir de la sciure comme encens. Je vais utiliser les petits outils, donc je vise une ouverture de 13 mm, et une hauteur d’environ 150 mm. Je fais quelques dessins sur papier, et arrive à une forme qui me plaît. Son plus grand diamètre est d’environ 95 mm.
L'extérieur
|
Je mets mon morceau de bois au rond entre pointes et le saisis au mandrin. Je reporte sur le cylindre la hauteur totale, ainsi que la position du plus grand diamètre. Je profile le haut de la pièce puis le bas, en gardant de la matière vers la base pour ne pas l’affaiblir. Hormis cette partie, l’extérieur doit avoir sa forme définitive, pour permettre les contrôles d’épaisseur lors du creusage.
|
|
à moins d’être contorsionniste, il est difficile de la juger sur le tour, donc je dévisse le mandrin pour apprécier la forme en position réelle.
|
|
|
|
Avec une petite gouge à profiler, je marque l’ouverture de 13 mm, en attaquant avec les deux lèvres de la gouge bien à la verticale l’une de l’autre. Sinon, elle va partir à droite ou à gauche quand elle touchera le bois.
|
|
J’ai choisi une finition martelée. Je ponce et la fais maintenant car une fois creusée, le risque serait beaucoup plus grand de casser la pièce.
|
Le creusage
|
Je perce un trou au centre qui me servira de repère de profondeur, en poussant dans l’axe une gouge de 10 mm (ou l’outil droit). Un trait au correcteur blanc marque la limite de profondeur (ça s’enlève en grattant, et ne laisse pas de colle comme le scotch).
|
Il faut ressortir très fréquemment pour évacuer les copeaux.
|
|
(J’ai fait une autre pièce, en érable, pour les vues en coupe).
|
|
|
|
Le creusage se fait par étape, avec l’outil adapté à chaque fois. Je pars du haut, en gardant le maximum de bois au fond pour ne pas affaiblir la pièce.
|
Je prends d’abord l’outil droit. Je vais élargir le trou central dans les premiers centimètres, avec la partie gauche de la pointe qui travaille à l’axe.
|
|
L’outil est horizontal ou légèrement en plongée. Je suis à 700 t/mn. Je vise en biais, les efforts de coupe tendant à ramener l’outil au centre. Si vous sentez que le creusage est trop agressif, il suffit de rouler l’outil vers la gauche. Une grande difficulté de ce genre de creusage est l’accumulation des copeaux : la petite ouverture les empêche de sortir, et ils ont tendance à se mettre en paquet et à entraîner l’outil. Il est grand temps de les évacuer si vous le sentez “naviguer” dans la pièce : air comprimé, fil de fer, aspiration ou simple paille coudée, tout est bon.
|
|
Pour être moins gêné par les copeaux, il faut leur faire de la place, c’est-à-dire élargir le creusage sur le haut de la pièce. Quand je sens que l’outil droit ne suffit plus, je prends le racloir légèrement coudé. Attention à la position du porte-outil : il faut le reculer avant la courbure pour que le manche, l’appui et le point de coupe soient alignés, sinon l’effort de coupe fait tourner l’outil.
|
|
|
|
Le principe est le même qu’avec le racloir droit : j’élargis la zone vers l’entrée, en ne cherchant pas à creuser en profondeur (zone 2). On peut travailler en poussant ou en tirant, avec n’importe quelle partie de la pointe. En ressortant, il faut bien suivre la courbure de l’outil pour ne pas accrocher l’ouverture.
|
Quand cet outil ne suffit plus, je change pour le plus cambré. Pour la partie supérieure de la pièce, je travaille avec le bord gauche du racloir, légèrement incliné, en poussant pour aller dans le sens des fibres. Avec le fil relevé, on obtient une coupe très propre qui ne nécessite pas de ponçage (de toute façon le diamètre de l’ouverture ne permet pas de passer un doigt pour aller vérifier !).
|
Comme je ne vois pas ce que je fais, je dois être attentif aux sensations que remonte l’outil : irrégularités du bois, bruits. Un peu comme un aveugle avec sa canne. Il est important de vérifier souvent l’épaisseur des parois : l’outil est efficace, et il ne faut pas se laisser emporter par l’enthousiasme.
|
|
Il existe des calibres adaptés dans le commerce (chers), j’ai pris un morceau de tige plié, aux extrémités polies pour ne pas rayer le bois. Il est suffisamment élastique pour rentrer dans la pièce en conservant l’écartement que j’ai réglé légèrement supérieur à l’épaisseur souhaitée. Les 2 "pointes" doivent être perpendiculaires à la surface du bois pour ne pas surestimer la mesure.
|
|
Quand cette partie est terminée, je progresse en profondeur en reprenant la succession des outils (zones 4,5,6)
|
|
|
|
Puis je recommence au fond, les 2 premiers outils doivent suffire. J’effectue une passe de finition en raclage fin avec l’outil roulé sur le côté.
|
|
|
|
Finition de la base.
Après avoir vérifié la profondeur, je termine le profil de la base. Je coupe la pièce, et finis le dessous, soit à la main, soit sur le tour avec une empreinte de reprise adaptée à l’ouverture. Le martelage est achevé à la main.
|
|
Dernière mise à jour: 01/10/2008 © Pascal Oudet 2004-2008. Toute reproduction et utilisation même partielle des photos et texte est interdite sans autorisation. |